1/ Wim Delvoye  2/ Giuseppe Penone  3/ Felice Varini  4/ Yona Friedman


À la poursuite de Wim Delvoye (sortie prévue fin 2015)
réalisation Antoine de Roux - Production Cercle Bleu - RTBF - Double Eléphant, avec le CRAAV et le CNC

Nous filmons depuis quatre ans Wim Delvoye, plasticien flammand connu pour ses projets artistiques très décalés - en particulier sa machine CLOACA qui fabrique des excréments et dont la dernière version vient d'être présentée au MUDAM de Luxembourg - , en train d'élaborer une commande singulière et de grande envergure : la construction d'une chapelle de 25 mètres de haut entièrement réalisée en acier corten et décorée de motifs gothiques découpés au laser. Commandité par les principaux mécènes de l'artiste, Karine et Fernand Huts, cet édifice est conçu pour y exposer leur collection de vitraux composés de fragments de radiographies d'êtres humains et d'animaux, qu'ils ont achetée à Wim Delvoye en 2000.
Nous le suivrons tout au long de ce parcours cahotique et imprévu, jusqu'à l'inauguration de la chapelle prévue sur les terrains de KATOEN NATIE, à Anvers.

Centré sur la gestation de l’œuvre, le film suit les étapes de la conception et de la construction de la chapelle, de manière chronologique. Le propos étant de montrer tous les aspects de la création afin de cerner le mieux possible les multiples facettes de l'activité artistique de Wim, nous verrons aussi bien l’avancée technique des travaux que les éventuelles hésitations et difficultés. La recherche de fonds, les rapports avec les mécènes, les galeries et les institutions faisant partie du processus, tout cela aussi sera filmé dans l’intention d’offrir une vue générale de cette édification.

A travers une technique et une esthétique extrêmement modernes,Wim Delvoye interroge le statut même des œuvres d’art. Deux mondes – le contemporain, par la technique très élaborée, et le médiéval, par les formes et les inspirations – coexistent dans ses œuvres et forcent à la réflexion sur la valeur esthétique de ses choix : une machine d’une incroyable complexité technologique qui reproduit l’appareil digestif de l’homme et fabrique des excréments, peut-elle être considérée comme de l’art ?
Une place particulière est ainsi accordée au trivial et au quotidien et va de pair avec l’acceptation comme œuvres d’art d’objets produits par toutes formes de techniques, et en premier lieu industrielles : Delvoye utilise à la fois toutes les ressources de l’artisanat séculaire et celles de la science la plus avancée, depuis le vitrail jusqu’à la chimie en passant par la mosaïque, le tatouage, la porcelaine et la radiographie.
De cette rencontre hybride et contradictoire, surgit une dissonance bien spécifique – comparable à la figure rhétorique de l’ironie ; l’œuvre invite le spectateur à réviser les critères au nom desquels il maintient tel ou tel objet dans des catégories esthétiques étanches… Wim Delvoye puise à toutes les sources de notre imagerie collective ; il ne se contente pas de l’univers publicitaire, mais joue aussi sur la familiarité d’un patrimoine culturel hérité du passé: la mosaïque (en mortadelle), la cathédrale (en formica), les carreaux de Delft (ornés de l'image d'un étron), dont il change le sens par l’emploi d’un matériau trivial, issu de la masse.

Wim Delvoye renoue aussi sensiblement avec la conception de l'art de la Renaissance italienne, comme frère jumeau de la science. Il utilise les mêmes instruments que le scientifique: rayons x et produits chimiques révélateurs, cartographie, enzymes, alambics et bocaux, conditionnement sous vide et plexiglas, lunettes d'astronomie; il se sert de l'informatique pour concevoir le découpage ciselé du formica pour les caterpillars et le graphisme des logos Cloaca... Il partage aussi avec le scientifique ou le médecin certaines interrogations sur les mystères de la vie : voir à l'intérieur du corps (vitraux), reproduire son fonctionnement (Cloaca). La technique scientifique, les toutes dernières avancées technologiques sont, au même titre que les références populaires, omniprésentes. Elles interviennent d’une manière quasi-obsessionnelle dans le concept et dans la réalisation des œuvres, comme si l’artiste voulait constamment dépasser le progrès, transgresser les limites entre l’art et la vie, entre l'art et la science <<